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chasses et voyages au congo

son égal, celui-ci n’ayant pas su maintenir les distances. De plus, généralement la maîtresse noire est en même temps celle du patron et celle du boy, préférant naturellement celui-ci à celui-là, dont ensemble on se moque copieusement.

Il faudrait qu’en haut lieu on se préoccupe un peu plus de cette question, et qu’on cherche à y porter remède ; et il me semble qu’au moment d’envoyer les jeunes gens au Congo on pourrait leur recommander un peu plus de discrétion dans leur tenue et ne pas avoir l’air d’admettre comme une chose toute naturelle, que la « ménagère » fait partie des Institutions. De plus, il ne faut pas croire que ces demoiselles se contentent de peu, et l’on m’a conté telles histoires de robes de soie, qu’un amoureux avait bel et bien fait venir exprès de Paris pour contenter sa belle.

Se non è vero… En général pourtant elles se contentent encore des cotonnades aux tons vifs dont j’ai parlé plus haut, et je vois défiler devant moi toute la gamme des couleurs de l’arc-en-ciel depuis le vert pâle jusqu’au rouge écarlate. Je note au passage une merveilleuse cotonnade bleue à grandes fleurs blanches, et sur la tête de la jeune personne un turban couleur rubis, artistement drapé, le tout ombragé par un parasol multicolore. Cette orgie de tons me rappelle en moins riche, le déploiement de soieries de toutes nuances qu’au printemps dernier un jour de fête, nous avions admiré aux environs de Tlemcen en Algérie, et je pense à la différence de civilisation déjà ancienne, des peuplades arabes comparées à celle des noirs qui ne sont pas encore « arrivés » ; mais sous toutes les latitudes l’éternel féminin est le même, et c’est toujours par l’amour de la toilette qu’on aura raison du cœur des femmes.

Une procession de jeunes personnes portant sur la tête, sans nécessité, les choses les plus hétéroclites et les plus inattendues, me rappelle que je suis en pays sauvage : une bouteille, une assiette, une carotte de manioc, un parasol,