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chasses et voyages au congo

des lianes, soutenue de place en place par des murs en briques, et étagée par des contreforts en terre battue. Cette digue a certainement un kilomètre de longueur, et nécessite un entretien continuel, car elle sert de piste sur la grande route qui relie le Kiwu au Manyéma entre Fissi et Niembo, les deux centres d’administration.

Lorsqu’on traverse tout ce pays, on ne peut s’empêcher d’admirer le travail et l’effort accompli en si peu d’années par un petit pays comme la Belgique, sur uni territoire 80 fois plus grand qu’elle, trop grand peut-être. Car le vaste empire qui lui est échu, si riche en trésors non exploités, demanderait pour être mis en valeur, une population indigène triple de celle qui s’y trouve actuellement, et une élite de colons qui viendrait s’y installer, non pas passagèrement pour y réaliser en quelques années de gros gains en pressurant et ruinant la colonie, mais avec l’idée plus généreuse d’y trouver une nouvelle patrie, en exploitant rationnellement le patrimoine commun.

Nous avions à peine marché pendant une heure que nous sentons un fléchissement dans la caravane ; il y a un petit rest-house perdu dans la brousse, et les boys qui connaissent l’étape jusqu’à Kayumba, ont décidé de nous y faire rester ; notre cuisinier Alphonse, qui sait le français et nous sert d’interprète dans les grandes circonstances, a pris la direction du mouvement et prétend nous imposer sa volonté : les interprètes dans tous les pays du monde sont la plus grande nuisance, car ils profitent de leur savoir pour vous induire en erreur le plus et le plus souvent qu’ils peuvent, et il faut tâcher de se mettre le plus vite possible au courant de la langue indigène pour échapper à leurs menées tyranniques. Depuis bientôt six semaines que nous roulons dans le pays, nous avons acquis suffisamment l’usage de la langue swahili pour comprendre qu’on veut nous berner, et joignant le geste à la parole nous contraignons nos porteurs de tippoye qui déjà nous avaient déposés, à reprendre leur charge, et bon gré, mal gré, la