Page:Maurice Maeterlinck - Théâtre 1, 1903.pdf/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
les aveugles

n’y en a pas de pareilles dans cette Île ; il y fait trop sombre et trop froid… Je n’en ai plus reconnu le parfum depuis que je n’y vois plus… Mais j’ai vu mes parents et mes sœurs… J’étais trop jeune alors pour savoir où j’étais… Je jouais encore au bord de la mer… Mais comme je me souviens d’avoir vu !… Un jour, je regardais la neige du haut d’une montagne… Je commençais à distinguer ceux qui seront malheureux…

Premier Aveugle-né.

Que voulez-vous dire ?

La jeune Aveugle.

Je les distingue encore à leur voix par moments… J’ai des souvenirs qui sont plus clairs quand je n’y pense pas…

Premier Aveugle-né.

Moi, je n’ai pas de souvenirs…

Un vol de grands oiseaux migrateurs passe avec des clameurs au-dessus des feuillages.
Le plus vieil Aveugle.

Quelque chose passe encore sous le ciel !

Deuxième Aveugle-né.

Pourquoi êtes-vous venue ici ?

Le plus vieil Aveugle.

À qui demandez-vous cela ?