Page:Maurice Maeterlinck - Théâtre 1, 1903.pdf/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
les aveugles

La plus vieille Aveugle.

Moi aussi ; il y a des années ; lorsque j’étais enfant ; mais je ne mien souviens presque plus.

Troisième Aveugle-né.

Pourquoi veut-il que nous sortions chaque fois que le soleil se montre ? Qui est-ce qui s’en aperçoit ? Je ne sais jamais si je me promène à midi ou à minuit.

Le sixième Aveugle.

J’aime mieux sortir à midi ; je soupçonne alors de grandes clartés ; et mes yeux font de grands efforts pour s’ouvrir.

Troisième Aveugle-né.

Je préfère rester au réfectoire, près du bon feu de houille : il y avait un grand feu ce matin…

Deuxième Aveugle-né.

Il pouvait nous mener au soleil dans la cour ; on est à l’abri des murailles ; on ne peut pas sortir, il n’y a rien à craindre quand la porte est fermée ; – je la ferme toujours. – Pourquoi me touchez-vous le coude gauche ?

Premier Aveugle-né.

Je ne vous ai pas touché : je ne peux pas vous atteindre.

Deuxième Aveugle-né.

Je vous dis que quelqu’un m’a touché le coude !