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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

crever la surface des eaux. Blessés à mort mais radieux et libres, ils flottent un moment aux côtés de leurs insoucieuses fiancées ; l’union s’accomplit, après quoi les sacrifiés s’en vont périr à la dérive, tandis que l’épouse déjà mère clôt sa corolle où vit leur dernier souffle, enroule sa spirale et redescend dans les profondeurs pour y mûrir le fruit du baiser héroïque.

Faut-il ternir ce joli tableau, rigoureusement exact mais vu du côté de la lumière, en le regardant également du côté de l’ombre ? Pourquoi pas ? Il y a parfois du côté de l’ombre des vérités tout aussi intéressantes que du côté de la lumière. Cette délicieuse tragédie n’est parfaite que lorsqu’on considère l’intelligence, les aspirations de l’espèce. Mais si l’on observe les individus, on les verra souvent s’agiter maladroitement et à contre-sens dans ce plan idéal. Tantôt les fleurs mâles monteront à la surface quand il n’y a pas encore de fleurs pistillées dans le voisinage. Tantôt, lorsque