Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
L’INTELLIGENCE DES FLEURS

elles n’atteindront jamais le séjour de lumière, le seul où se puisse accomplir l’union des étamines et du pistil.

Est-il dans la nature inadvertance ou épreuve plus cruelle ? Imaginez le drame de ce désir, l’inaccessible que l’on touche, la fatalité transparente, l’impossible sans obstacle visible !…

Il serait insoluble comme notre propre drame sur cette terre ; mais voici que s’y mêle un élément inattendu. Les mâles avaient-ils le pressentiment de leur déception ? Toujours est-il qu’ils ont renfermé dans leur cœur une bulle d’air, comme on renferme dans son âme une pensée de délivrance désespérée. On dirait qu’ils hésitent un instant : puis, d’un effort magnifique, — le plus surnaturel que je sache dans les fastes des insectes et des fleurs, — pour s’élever jusqu’au bonheur, ils rompent délibérément le lien qui les attache à l’existence. Ils s’arrachent à leur pédoncule, et d’un incomparable élan, parmi des perles d’allégresse, leurs pétales viennent