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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

plus romanesque d’entre elles : la légendaire Vallisnère ou Vallisnérie, une Hydrocharidée dont les noces forment l’épisode le plus tragique de l’histoire amoureuse des fleurs.

La Vallisnère est une herbe assez insignifiante, qui n’a rien de la grâce étrange du Nénuphar ou de certaines chevelures sous-marines. Mais on dirait que la nature a pris plaisir à mettre en elle une belle idée. Toute l’existence de la petite plante se passe au fond de l’eau, dans une sorte de demi-sommeil, jusqu’à l’heure nuptiale où elle aspire à une vie nouvelle. Alors, la fleur femelle déroule lentement la longue spirale de son pédoncule, monte, émerge, vient planer et s’épanouir à la surface de l’étang. D’une souche voisine, les fleurs mâles qui l’entrevoient à travers l’eau ensoleillée, s’élèvent à leur tour, pleines d’espoir, vers celle qui se balance, les attend, les appelle dans un monde magique. Mais arrivées à mi-chemin, elles se sentent brusquement retenues : leur tige, source même de leur vie, est trop courte ;