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L’IMMORTALITÉ

ques faits, presque toujours insignifiants, ne nous accompagne et ne soit témoin de ces bonheurs inimaginables. Il m’est égal que les parties les plus hautes, les plus libres, les plus belles de mon esprit soient éternellement vivantes et lumineuses dans les suprêmes allégresses ; elles ne sont plus à moi, je ne les connais plus. La mort a tranché le réseau de nerfs ou de souvenirs qui les rattachait à je ne sais quel centre où se trouve le point que je sens être tout moi-même. Déliées ainsi et flottant dans l’espace et le temps, leur sort m’est aussi étranger que celui des plus lointaines étoiles. Tout ce qui advient n’existe pour moi qu’à la condition que je puisse le ramener en cet être mystérieux, qui est je ne sais où et précisément nulle part ; que je promène comme un miroir par ce monde dont les phénomènes ne prennent corps qu’autant qu’ils s’y sont reflétés.