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L’ACCIDENT

distance, encore inappréciable chez les sauvages, les simples et les humbles, augmente à chaque pas que fait notre éducation, notre civilisation. Je suis persuadé qu’on pourrait établir qu’un paysan, un ouvrier, même moins jeune, moins agile, surpris dans la même catastrophe que son propriétaire ou son patron, a deux ou trois chances de plus que celui-ci de s’en tirer indemne. En tout cas, il n’est pas d’accident dont la victime n’ait, a priori, tort. Il convient qu’elle se dise, ce qui est vrai au pied de la lettre, que tout autre, à sa place, aurait réchappé ; par conséquent, la plupart des hasards qu’on se permet autour d’elle lui demeurent interdits. Son inconscient qui se confond ici avec son avenir n’est pas « en forme ». Elle doit dorénavant se défier de sa chance. Elle est, au point de vue des grands périls, un minus habens, comme on disait en droit romain.