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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

nageur qui renverse la tête, — par une volonté, une tension, une contraction incessantes, toute droite dans l’azur, la lourde couronne de feuilles.

Dès lors, autour de ce nœud vital, s’étaient concentrés toutes les préoccupations, toute l’énergie, tout le génie conscient et libre de la plante. Le coude monstrueux, hypertrophié, révélait une à une les inquiétudes successives d’une sorte de pensée qui savait profiter des avertissements que lui donnaient les pluies et les tempêtes. D’année en année, s’alourdissait le dôme de feuillage, sans autre souci que de s’épanouir dans la lumière et la chaleur, tandis qu’un chancre obscur rongeait profondément le bras tragique qui le soutenait dans l’espace. Alors, obéissant à je ne sais quel ordre de l’instinct, deux solides racines, deux câbles chevelus, sortis du tronc à plus de deux pieds au-dessus du coude, étaient venus amarrer celui-ci à la paroi de granit. Avaient-ils vraiment été évoqués par la détresse, ou