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L’ACCIDENT

l’espace sous l’apparence fallacieuse et parfaitement transparente d’un arbre, d’un mur, d’un rocher, d’un obstacle quelconque, voici face à face, surgissante, imprévue, énorme, immédiate, indubitable, inévitable, irrévocable, la Mort qui ferme d’un déclic l’horizon qu’elle laisse sans issue…

Aussitôt commence entre notre intelligence et notre instinct une passionnante, une interminable scène qui tient en une demi-seconde. L’attitude de l’intelligence, de la raison, de la conscience, comme il vous plaira de l’appeler, est extrêmement intéressante. Elle juge instantanément, sainement et logiquement que tout est perdu sans ressource. Pourtant elle ne s’affole ni ne s’épouvante. Elle se représente exactement la catastrophe, ses détails et ses conséquences, et constate avec satisfaction qu’elle n’a pas peur et garde sa lucidité. Entre la chute et le choc, elle a du temps de reste, elle muse, elle se distrait, elle trouve le loisir de penser à toute autre chose, d’évo-