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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

tout embaumées de violettes, un énorme Laurier centenaire. On lisait aisément sur son tronc tourmenté et pour ainsi dire convulsif, tout le drame de sa vie tenace et difficile. Un oiseau ou le vent, maîtres des destinées, avait porté la graine au flanc du roc tombant à pic comme un rideau de fer ; et l’arbre était né là, à deux cents mètres au-dessus du torrent, inaccessible et solitaire, parmi les pierres ardentes et stériles. Dès les premières heures, il avait envoyé les aveugles racines à la longue et pénible recherche de l’eau précaire et de l’humus. Mais ce n’était que le souci héréditaire d’une espèce qui connaît l’aridité du Midi. La jeune tige avait à résoudre un problème bien plus grave et plus inattendu : elle partait d’un plan vertical, en sorte que son front, au lieu de monter vers le ciel, penchait sur le gouffre. Il avait donc fallu, malgré le poids croissant des branches, redresser le premier élan, couder, opiniâtrement, au ras du roc, le tronc déconcerté, et maintenir ainsi, — comme un