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LE PARDON DES INJURES

tions avec celui qui nous fut injurieux. Ici, comme sur tant d’autres points, dès que notre bonne volonté se réveille, ses premiers pas, encore inconscients, la ramènent sur la vieille route de l’idéal religieux. Au plus haut de cet idéal, on pourrait ériger, comme un symbole, le groupe légendaire de la chrétienne ensevelissant, au péril de ses jours, les restes exécrés de Néron. Il est incontestable que le geste de cette femme est plus grand, surpasse davantage la raison humaine, que le geste d’Antigone qui domine l’antiquité païenne. Néanmoins, il n’épuise pas tout le pardon chrétien. Supposons que Néron ne soit pas mort, mais chancelle aux dernières limites de la vie, où un héroïque secours puisse seul le sauver. La chrétienne lui devra ce secours, encore qu’elle sache avec certitude que la vie qu’elle rend ramènera en même temps la persécution. Elle peut encore monter plus haut : imaginez qu’elle ait à choisir, dans la même angoisse, entre son frère et l’ennemi qui la fera périr,