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À PROPOS DU ROI LEAR

D’autre part, si l’on entend le comparer à Hamlet, il est probable que la pensée y est moins active, moins aiguë, moins profonde, moins frémissante, moins prophétique. En revanche, combien le jet de l’œuvre paraît plus énergique, plus massif et plus irrésistible ! Certaines aigrettes, certains filets de lumière sur l’esplanade d’Elseneur atteignent et éclairent un instant, comme des lueurs d’outre-tombe, de plus inaccessibles ténèbres ; mais ici la colonne de fumée et de flammes illumine d’une façon permanente et uniforme tout un pan de la nuit. Le sujet est plus simple, plus général et plus normalement humain, la couleur plus monotone, mais plus majestueusement et plus harmonieusement grandiose, l’intensité plus constante et plus étendue, le lyrisme plus continu, plus débordant et plus hallucinant, et cependant plus naturel, plus près des réalités quotidiennes, plus familièrement émouvant, à cause qu’il ne sort point de la pensée, mais de la passion ; qu’il enveloppe