l’acuité, la densité, l’étrangeté, la mobilité, la prodigieuse masse des beautés tragiques qu’il renferme. Je sais bien que la beauté totale d’un ouvrage ne s’estime pas au poids ni au volume ; que les dimensions d’une statue n’ont point un rapport nécessaire à sa valeur esthétique. Néanmoins on ne saurait contester que l’abondance, la variété et l’ampleur ajoutent à la beauté des éléments vitaux et inaccoutumés ; qu’il est plus facile de réussir une statue unique, de grandeur médiocre et d’un mouvement calme, qu’un groupe de vingt statues de taille surhumaine, aux gestes passionnés et cependant coordonnés ; qu’il est plus aisé d’écrire un acte tragique et puissant où se meuvent trois ou quatre personnages, que d’en écrire cinq où s’agite tout un peuple et qui maintiennent à une hauteur égale, durant un temps cinq fois plus long, ce même tragique et cette même puissance ; or, au regard du Roi Lear, les plus longues tragédies grecques ne sont guère que des pièces en un acte.
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À PROPOS DU ROI LEAR