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À PROPOS DU ROI LEAR

avoir délibéré tous les poètes de notre terre, les meilleurs juges en l’occurrence, désigneraient unanimement le Roi Lear. Ils ne pourraient mettre un instant en balance que deux ou trois chefs-d’œuvre du théâtre grec ; ou bien, car au fond Shakespeare n’est comparable qu’à lui-même, l’autre miracle de son génie : la tragique histoire d’Hamlet, prince de Danemark.

Prométhée, « l’Orestie », Œdipe roi, ce sont des arbres merveilleux mais isolés, au lieu que le Roi Lear, c’est une forêt merveilleuse. Convenons que le poème de Shakespeare est moins net, moins visiblement harmonieux, moins pur de lignes, moins parfait, au sens assez conventionnel de ce mot ; accordons qu’il a des défauts aussi énormes que ses qualités, — il n’en reste pas moins qu’il l’emporte sur tous les autres par le nombre,