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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

remède trop radical amènerait (surtout pour nous) des maux plus cruels et plus désespérés que ceux qu’il prétendrait guérir ; elle nous prouve enfin que cette injustice est organique, essentielle et conforme à toutes les lois de la nature. Notre raison a peut-être raison ; mais ce qui a bien plus profondément, bien plus sûrement raison qu’elle, c’est notre idéal de justice qui proclame qu’elle a tort. Alors même qu’il n’agit pas, il est bon, sinon pour le présent, du moins pour l’avenir, que cet idéal ressente vivement l’iniquité ; et, s’il n’entraîne plus de renonciations ni de sacrifices héroïques, ce n’est point qu’il soit moins noble ou moins sûr que l’idéal des meilleures religions, c’est qu’il ne promet d’autres récompenses que celles du devoir accompli ; et que ces récompenses sont précisément celles que seuls quelques héros comprirent jusqu’ici, et que les grands pressentiments qui flottent au delà de notre intelligence cherchent à nous faire comprendre.