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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

dès qu’elle s’élève un peu, sort à chaque instant du petit cercle matériel et expérimental et par conséquent du domaine du bon sens. Même dans le monde visible qui lui sert de modèle en notre esprit, nous n’observons point qu’il règne sans partage, Autour de nous, dans ses phénomènes les plus constants et les plus familiers, la nature n’agit pas toujours selon notre bon sens. Quoi de plus insensé que ses gaspillages d’existences ? Quoi de plus déraisonnable que ces milliards de germes aveuglement prodigués pour arriver à la naissance hasardeuse d’un seul être ? Quoi de plus illogique que l’innombrable et inutile complication de ses moyens (par exemple dans la vie de certains parasites et la fécondation des fleurs par les insectes), pour arriver aux buts les plus simples ? Quoi de plus fou que ces milliers de mondes qui périssent dans l’espace sans accomplir une œuvre ? Tout cela dépasse notre bon sens et lui montre qu’il n’est pas toujours d’ac-