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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

pourvue de tout ce que comporte notre civilisation ; et des hommes s’y trouveraient prisonniers depuis leur naissance. Ils ne regretteraient point la lumière, ne l’ayant jamais vue ; ils ne seraient pas aveugles, leurs yeux ne seraient pas morts, mais n’ayant rien à regarder, deviendraient probablement l’organe le plus sensible du toucher.

Afin de nous reconnaître en leurs gestes, représentons-nous ces malheureux dans leurs ténèbres, au milieu de la multitude d’objets inconnus qui les entourent. Que de bizarres méprises, de déviations incroyables, d’interprétations imprévues : Mais qu’il paraîtrait touchant et souvent ingénieux le parti qu’ils auraient tiré de choses qui n’avaient pas été créées pour la nuit !… Combien de fois auraient-ils rencontré juste, et quelle ne serait pas leur stupéfaction, si tout à coup, à la clarté du jour, ils découvraient la nature et la destination véritables d’outils et d’appareils qu’ils auraient de leur mieux appropriés aux incertitudes de l’ombre ?…