« Une veine, que je te dis, mon vieux Raoul. Vingt mille francs qui me tombent dessus… Eh bien, je me suis juré qu’il n’en resterait pas une goutte. J’ai gagné de quoi vivre sans rien faire. Mais ça, c’est du boni que j’ai pas le droit de garder. Non, c’est pas de l’argent propre. Il faut que ça fiche le camp en ripailles avec des zigs qui comprennent la vie… comme toi, mon vieux Raoul, comme toi. »
Ses confidences n’allaient pas plus loin. Si Raoul faisait mine de l’interroger, il s’arrêtait net et se mettait à sangloter.
Mais, deux semaines plus tard, Raoul, qui s’amusait fort auprès de ce funèbre fantoche, profita d’une ripaille plus complète pour lui arracher des aveux. Le sieur Fameron les bégaya en pleurant, effondré dans sa chambre, agenouillé devant son chapeau haut de forme, auquel il avait l’air de se confesser.
« Une crapule… oui, je ne suis qu’une crapule. Le tirage de l’obligation ? des blagues ! C’est un type que je connaissais qui m’a abordé la nuit à Lillebonne, et qui m’a donné une lettre à glisser dans le dossier Montessieux. Je ne voulais pas. “Non, ça non, que je lui dis, c’est pas dans mes cordes. On peut fouiller ma vie jusqu’au fin fond des fonds… on n’y trouvera pas un seul truc de ce genre-là.” Et puis… et puis, je ne sais pas comment ça s’est fait… il m’a offert dix mille… quinze mille… vingt mille… J’ai perdu la tête… Le lendemain, j’ai glissé la lettre dans le dossier Montessieux. Seulement je me suis juré que c’t’argent ne me salirait pas. Je l’boirai, je l’boulotterai… Mais j’vivrai pas avec ça dans ma nouvelle maison… Ah ! non, non, j’en veux pas de cette pourriture d’argent… vous m’entendez, monsieur… j’en veux pas ! »
Raoul tenta d’en savoir davantage. Mais l’autre,