qui se défie de tout élan trop vif et trop spontané. »
Après une pause, elle reprit :
« Cet excès de réserve, acceptable quand il s’agit de sentiments et de secrets féminins, devient absurde quand il s’agit de faits de la vie quotidienne, et surtout de faits exceptionnels et anormaux. C’est néanmoins ce qui s’est passé depuis que je suis à la Barre-y-va. J’aurais dû dire la vérité sur certains événements étranges qui m’ont frappée. Au lieu de cela, je me suis tue, et l’on m’a traitée de fantasque et de déséquilibrée, parce que j’éprouvais des épouvantes qui étaient fondées sur des réalités que je gardais pour moi. Et ainsi je suis devenue inquiète, nerveuse, presque sauvage, incapable de supporter les peines et les terreurs dont je ne voulais cependant partager le poids avec ceux qui m’entouraient. »
Elle demeura longtemps silencieuse. Il brusqua les choses.
« Et voilà que vous êtes encore indécise ! dit-il.
— Non.
— Ainsi vous voulez bien me raconter ce que vous ne racontiez à personne ?
— Oui.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. »
Catherine dit cela gravement et répéta :
« Je ne sais pas. Mais je ne peux pas faire autrement. Je suis forcée de vous obéir, et en même temps je comprends que j’ai raison de vous obéir. Peut-être mon récit vous semblera-t-il d’abord un peu enfantin, et mes craintes bien puériles. Mais vous comprendrez, j’en suis sûre, vous comprendrez. »
Et aussitôt, sans plus de résistance, elle commença :
« Nous sommes arrivées, ma sœur et moi, à la