rience en la matière aurait dû me mettre en garde, je m’abandonnais à des appréhensions que la réalité ne justifiait pas, puisque Catherine Montessieux, après un bain dans la rivière, fatiguée sans doute, et mal en train, était revenue se reposer sans qu’aucun des habitants de ce manoir — je n’y étais pas alors — l’eût aperçue, et en laissant derrière elle un peignoir qui pouvait nous faire supposer… »
Béchoux s’arrêta, empêtré dans son interminable phrase. Puis, jetant un coup d’œil d’intelligence à Raoul, comme pour lui dire : « Hein, voilà Catherine tirée d’affaire… » il reprit, sans la moindre gêne :
« Bref, il était trois heures. Appelé en hâte au manoir, j’avais collaboré aux inutiles recherches et nous avions déjeuné, assez anxieux comme je vous l’ai dit, mais d’une anxiété qui se mêlait tout de même d’un certain espoir. “Puisqu’on ne trouve rien, insinuais-je, nous devons envisager l’hypothèse d’un malentendu qui s’éclaircira de lui-même.” Mme Guercin, un peu plus calme, était montée dans sa chambre. Arnold et Charlotte déjeunaient dans la cuisine — comme vous avez pu vous en rendre compte, cette cuisine est à droite, au bout du manoir et ouvre sur ce côté de la façade ; — M. Guercin et moi, nous devisions sur l’incident et tâchions de le réduire à ses véritables proportions, lorsque M. Guercin me dit :
« — Somme toute, nous n’avons pas visité l’île.
« — Pour quoi faire ? lui dis-je. — Je vous rappelle, monsieur le juge d’instruction, que M. Guercin n’était arrivé que de l’avant-veille, qu’il n’avait pas pénétré depuis des années dans le domaine de la Barre-y-va et, par conséquent, qu’il ignorait des détails que nous connaissions tous, puisque nous étions là depuis plus de deux mois. — Pour quoi faire ? lui dis-je, le pont est à moitié démoli, et on ne le traverse qu’en cas d’urgence.