laquelle va se jeter dans la Seine, et laquelle rebrousse chemin et déborde aux heures de marée, avec plus ou moins de violence.
— Dieu, que tu es long ! dit Raoul en bâillant.
— Donc hier, sur le coup de midi, on vint me chercher du manoir…
— Quel manoir ?
— Celui de la Barre-y-va.
— Ah ! il y a un manoir ?
— Évidemment. Un petit château où habitent deux sœurs.
— De quelle congrégation ?
— Hein ?
— Évidemment. Tu parles de sœurs. Est-ce des Petites sœurs des pauvres ? des Visitandines ? Explique-toi.
— Zut ! Impossible de rien expliquer…
— Eh bien, veux-tu que je te la raconte, ton histoire, moi ? Tu m’arrêteras si je me trompe. Mais je ne me trompe jamais. C’est un principe. Écoute. Le manoir de la Barre-y-va, qui faisait partie, autrefois, de la seigneurie de Basmes, a été acheté, au milieu du XIXe siècle, par un armateur du Havre. Son fils, Michel Montessieux, y fut élevé, s’y maria, y perdit coup sur coup sa femme et sa fille, et resta seul avec deux petites-filles, Bertrande et Catherine, les sœurs actuelles. Désemparé, il s’installa à Paris, mais continua cependant de venir deux fois par an : durant un mois, aux environs de Pâques, et un mois à l’occasion de la chasse. L’aînée de ses petites-filles, Bertrande, épousa de bonne heure un M. Guercin, industriel à Paris, ayant de grosses affaires en Amérique. Nous sommes d’accord ?
— D’accord.
— La petite Catherine vivait donc avec Michel Montessieux et un domestique encore jeune, Arnold, très dévoué à son maître, M. Arnold,