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savez quelle confiance vous pouvez avoir en moi, et que je suis votre ami… plus que votre ami.

— Plus que votre ami, qu’est-ce que cela signifie ? » murmura-t-elle en rougissant.

À son tour il fut embarrassé. Il la devinait profondément troublée, prête à lui ouvrir son cœur, et sur le point aussi de s’enfuir.

« Plus que votre ami… dit-il, cela signifie que je vous suis attaché plus qu’à personne au monde.

— Plus qu’à personne au monde ? reprit-elle de son air à la fois ingénu et obstiné.

— Oui, certainement oui », répondit-il.

Elle affirma :

« Autant peut-être, mais pas plus. »

Il y eut un silence entre eux, et Catherine, subitement résolue, dit à voix basse :

« Nous avons beaucoup causé, ces temps-ci, Bertrande et moi… Jusque-là nous nous aimions bien… mais la vie… la différence d’âge… le mariage de Bertrande nous avaient séparées. Ces six mois de crise nous ont mises tout près l’une de l’autre… bien qu’il y ait entre nous quelque chose… qui aurait dû, au contraire… »

Elle avait baissé les yeux, toute confuse, mais elle les releva soudain, et, bravement, elle acheva :

« Entre nous, Raoul, il y avait vous… oui, vous. »

Elle se tut. Raoul demeurait indécis et anxieux. Il avait peur de la blesser, ou de blesser Bertrande à travers elle, et son rôle, tout à coup, lui semblait pénible, presque odieux. Il chuchota :

« Je vous aime l’une et l’autre.

— C’est bien cela, dit-elle vivement, l’une et l’autre… l’une autant que l’autre, c’est-à-dire pas plus l’une que l’autre. »

Il protesta d’un mouvement.

« Non, non, dit Catherine… acceptez ce qui est. Nos sentiments pour vous, à Bertrande et à moi, ne peuvent pas ne pas vous être connus… mais