a été fabriqué récemment, les pieux munis de coulisses datent de longtemps, un siècle ou deux peut-être. Au XVIIIe siècle, au XVIIe, les hobereaux de la Barre-y-va faisaient déjà manœuvrer tout ce système qui devait être plus compliqué que celui que nous apercevons. »
Ils sortirent de la tour. Il pleuvait moins. Sur les bords, parmi les pierres et la vase, émergeait la tête usée de deux pieux. Comme il y en avait d’autres, on ne les remarquait pas spécialement.
À cet instant, l’Aurelle, très basse, s’était arrêtée de couler vers la Seine. Après un moment d’équilibre, il y avait lutte entre l’eau qui voulait suivre son cours ordinaire et l’eau qui commençait à affluer du grand fleuve dont on entendait l’effervescence produite par le mascaret. Sous la poussée formidable de la marée, que le vent soulevait et décuplait, l’énorme vague devait déferler dans la Seine, emplissant la vallée de remous, de montagnes d’eau qui bondissaient et tourbillonnaient.
Et l’Aurelle, hésitante, envahie à son tour par le flot irrésistible où la mer et la Seine se mêlaient, gonflée par cette onde plus forte qu’elle, céda du terrain, recula, fut vaincue, absorbée, et, soudain fugitive, remonta vers sa source.
« Quel étrange phénomène ! s’écria Raoul. Nous avons de la chance. Il est rare, j’en suis sûr, qu’il se produise avec cette ampleur et cette fougue. Il ne faut pas perdre un détail, si nous voulons tout comprendre. »
Il répéta :
« Tout comprendre ! Il y a là vraiment quelques minutes où toutes les raisons déterminantes vont se voir à l’œil nu. »
Il traversa l’île en courant, et, passant sur l’autre rive, escalada la pente qui conduisait au sommet des roches. S’arrêtant à l’endroit où M. Arnold lui avait glissé entre les mains, il se pencha sur le