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— Il n’y a pas assez de vent, ce soir.

— Alors, ce sera pour demain soir ?

— Non, pour demain matin.

— Demain matin ! »

L’exclamation de M. Arnold prouva qu’en effet, il n’avait pas compris.

Si le vent était un auxiliaire désirable, Raoul fut favorisé. Toute la nuit, on l’entendit siffler et mugir. Au matin, à peine vêtu, Raoul le vit, des fenêtres du couloir, qui bousculait les arbres et se ruait de l’occident, à travers la vallée de la Seine, âpre, intraitable, tumultueux, bouleversant le large fleuve qui venait à sa rencontre.

Dans la salle, Raoul trouva les deux sœurs. Elles avaient préparé le petit déjeuner. Béchoux arrivait au village avec du pain, du beurre et des œufs.

« C’est pour tes deux amis, ces victuailles ?

— Le pain leur suffira, fit Béchoux d’un air farouche.

— Tiens, tiens, on te dirait moins enthousiaste…

— Deux canailles, mâchonna-t-il. Je leur ai lié les poignets, pour être plus sûr. Et j’ai fermé la porte à clef. D’ailleurs, ils ne peuvent marcher.

— Tu leur as mis des compresses aux endroits sensibles ?

— Tu es fou. Qu’ils se débrouillent !

— Alors tu nous accompagnes ?

— Parbleu !

— À la bonne heure ! Te voilà revenu du bon côté de la barricade. »

Ils mangèrent tous de bon appétit.

À neuf heures, ils se risquèrent dehors, sous une pluie si violente qu’elle se confondait avec les nuages bas qu’entraînait le souffle de la tempête, une tempête de cataclysme qui semblait chercher les obstacles pour les anéantir.

« C’est la marée, dit Raoul. Elle s’annonce à