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porte pour qu’un revolver placé à hauteur d’homme fît feu sur lui et l’atteignît en pleine poitrine. C’était mathématique, inéluctable. Son chef-d’œuvre achevé, M. Montessieux, pour plus de sûreté, fit mettre, de chaque côté du pont vermoulu, une pancarte avec cette inscription : “À réparer. Passage dangereux.” Puis, ainsi qu’à la fin de chaque mois de septembre, il ferma la maison, emporta les clefs et partit pour Paris avec Arnold et avec Catherine. Le soir même il mourait d’une congestion.

« Je ne doute pas que sa volonté ne fût de laisser des instructions pour que, en cas de décès, nul n’essayât de pénétrer dans le pigeonnier, sans avoir bloqué le système. Mais il n’en eut pas le temps, pas plus qu’il n’eut le temps de révéler le secret de l’or. Vingt mois se passèrent. Un hasard voulut que personne n’essayât d’ouvrir le pigeonnier, personne n’osant évidemment s’aventurer sur le pont vermoulu de l’île. Un autre hasard voulut que l’humidité ne détériorât ni les fils électriques ni les balles du revolver. Bref, lorsque M. Guercin, ayant appris que Catherine traversait fréquemment le pont, s’y risqua à son tour, s’approcha du pigeonnier, et ouvrit, il reçut la balle en pleine poitrine. Et c’est ainsi qu’il ne fut pas assassiné, mais qu’il mourut victime du hasard. »

Les deux sœurs écoutaient Raoul avec une attention passionnée, et la conviction manifeste qu’il ne se trompait pas. Béchoux demeurait renfrogné. Le domestique, penché en avant, ne quittait pas des yeux Raoul d’Avenac.

Celui-ci reprit :

« Arnold connaissait-il le piège tendu ? D’après ce que je sais, il n’allait jamais dans l’île. Méfiance raisonnée ? Abstention fortuite ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’après la mort de M. Guercin, il