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« Merci, Charlotte. »

Puis, comme on lui demandait ses projets, il articula d’une voix plus ferme :

« Dormir d’abord et puis partir… Nous irons au Havre… quelques jours… L’air de la mer me remettra. »

On le laissa. Les volets furent clos, les portes fermées. Il s’endormit.

Quand il sonna, vers deux heures de l’après-midi, et que Bertrande entra dans la pièce, elle le trouva étendu sur un fauteuil, la mine meilleure, le visage rasé, habillé de vêtements propres. Elle le contempla un instant avec des yeux ravis, puis alla vers lui, et, très simplement, l’embrassa sur le front. Puis elle embrassa ses mains, et des larmes se mêlèrent à ses baisers.

Charlotte les servit tous dans la chambre de Raoul. Il mangea peu. Il semblait très las, et il avait hâte de quitter le manoir, comme si les souvenirs de ses souffrances l’obsédaient.

Béchoux dut le soutenir, presque le porter dans l’auto. On l’installa au fond. Béchoux se mit au volant et conduisit tant bien que mal. Arnold et Charlotte devaient prendre le train du soir pour Paris.

Au Havre, Raoul ne voulut pas, pour des raisons qu’il ne formulait point, que l’on descendît les valises, et qu’on s’installât dans un hôtel. Il se fit mener sur la plage de Sainte-Adresse et s’étendit sur le sable, où il resta toute la journée, sans mot dire, respirant à pleins poumons le vent plus frais qui s’élevait peu à peu.

Ainsi le soleil se coucha parmi les longs nuages roses alignés tout au long du ciel, et, quand la dernière flamme se fut éteinte à l’horizon, les deux sœurs et Béchoux assistèrent au spectacle le plus inattendu. Raoul d’Avenac se dressa tout à coup sur le coin de plage désert où ils se trouvaient tous