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XII

LA REVANCHE


« Je me suis trompé, pensa Raoul. Elles n’ont pas reçu de télégramme les priant de venir à Paris, près de moi, et, surprises par ma disparition, elles me cherchent. »

Tout de suite il eut l’idée que leurs investigations ne seraient pas vaines et que Béchoux, particulièrement, spécialiste en la matière, aboutirait aisément. Le domaine, somme toute, était de proportions restreintes, et les cachettes où l’on avait pu l’enfouir — en supposant qu’on le crût mort ou blessé — n’étaient pas si nombreuses. Les roches du défilé, la Butte-aux-Romains, les ruines de la serre, deux ou trois autres endroits peut-être qu’ils connaissaient tous, et qu’il avait inspectés souvent avec Béchoux, en dehors de cela, de la rivière, du pavillon de chasse et du manoir, où aurait-on pu dissimuler un cadavre ?

Mais les heures passaient, et l’espoir de Raoul diminuait.

« Béchoux, se disait-il, n’est pas en forme actuellement. Quelque acharnement qu’il mette à me retrouver, l’amour lui enlève une partie de ses moyens. Et puis sans doute s’égare-t-il avec les deux jeunes femmes et les deux domestiques, hors du jardin, vers les collines proches, vers le petit bois, vers la Seine… Et puis… et puis… qui sait ? ils ne se sont peut-être pas arrêtés à l’hypothèse d’un crime. Ils peuvent croire que je suis parti pour des raisons impérieuses, sans avoir eu le temps de les avertir, et que j’effectue une expédition préalable… Et ils m’attendent ! »

De fait, la journée s’acheva sans nouveaux appels. Aucun bruit ne lui parvint que des bruits de bateaux ou d’automobiles.