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Alors Raoul sortit de la maison, prit sous le toit de chaume une échelle suspendue à deux crochets, l’emporta, suivit le sentier qui longeait, à droite, le mur de la Barre-y-va, tourna en haut vers la gauche, et monta sur ce mur. Arrivé au faîte, dans l’ombre épaisse d’un arbre dont les branches tombaient autour de lui et le cachaient, il laissa glisser l’échelle au-dehors, à l’aide d’une corde, et la coucha parmi les ronces.

Durant une demi-heure il resta dans l’arbre. Il voyait tout le parc, sous une lune étincelante qui diffusait une clarté blanche et calme, semblait fouiller les ténèbres, et se baignait dans l’eau argentée de la rivière.

Au loin, les lumières du manoir, une à une, s’éteignirent. L’horloge de Radicatel sonna dix coups.

Raoul veillait. Il ne croyait pas que le moindre danger menaçât les deux jeunes femmes, mais il ne voulait rien laisser au hasard. En supposant même qu’aucune embûche ne fût tendue, l’ennemi pouvait rôder, poursuivre ses préparatifs, se rapprocher du but qu’il croyait atteindre déjà, et s’assurer que lui-même n’était pas surveillé.

Soudain, Raoul tressaillit. L’événement allait-il lui donner raison de s’être mis à l’affût, et n’allait-il pas surprendre quelque manœuvre ? À cinquante pas de lui, à l’intérieur de l’enceinte qu’il avait suivie, non loin de la petite porte par où, le premier matin, Catherine avait passé, il apercevait une forme immobile, collée contre le tronc d’un arbre, mais qui ne semblait pas en faire partie. De fait, elle oscilla plusieurs fois, puis parut diminuer de hauteur, jusqu’à s’étendre sur le sol. Si Raoul n’avait pas assisté à ce mouvement imperceptible, il n’aurait jamais détaché cette ombre allongée de l’ombre d’un grand if, et qui se mit à ramper dans la ligne même de l’obscurité.