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est-ce que j’aime davantage ? Au début c’était Catherine. Elle m’émouvait et je me suis dévoué à elle, insouciant de ce qu’il en adviendrait. Et puis Bertrande, plus femme et plus coquette, me trouble maintenant. En vérité, je perds la tête. »

Au fond, peut-être les aimait-il toutes deux, et, en les aimant toutes deux, l’une si pure et si ingénue, l’autre si tourmentée et si complexe, peut-être n’aimait-il qu’une seule et même femme, qui était, sous deux formes différentes, la femme de l’aventure à laquelle il consacrait toutes ses forces et toutes ses pensées.

Ainsi s’écoulèrent le 5, le 6 le 7, le 8 et le 9 septembre. À mesure que la date devenait plus proche, Bertrande et Catherine se maîtrisaient davantage, jusqu’à partager la sérénité de Raoul. Elles préparaient leurs malles, tandis que M. Arnold et Charlotte rangeaient le manoir.

Théodore Béchoux, très complaisant, ne dédaignait pas de donner un coup de main à Charlotte. Celle-ci devant aller dans sa famille durant une semaine, et Béchoux, qui voulait l’accompagner, ayant déclaré qu’il prendrait le train, Raoul avait obtenu des sœurs qu’elles fissent avec lui, en auto, le tour de la Bretagne. Pendant ce temps, le domestique mettrait en ordre l’appartement de Paris.

Le 10 septembre, après le déjeuner, Bertrande sortit du manoir et se rendit au village pour régler les factures des fournisseurs. Quand elle revint, elle aperçut d’abord Raoul qui pêchait à la ligne, installé dans la barque, puis vingt mètres plus loin, à l’entrée du pont, Catherine qui le regardait.

Elle s’assit vingt mètres avant la barque, et le regarda comme faisait sa sœur. Il était penché sur l’eau et ne semblait pas s’occuper de son bouchon qui se balançait. Considérait-il un spectacle quelconque au fond de la rivière ? ou suivait-il quelque idée en lui-même ?