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qu’elle entrait dans la terre, qu’elle diminuait de seconde en seconde, plus menue et insaisissable. Hors de lui, Raoul grognait et jurait. Mais l’homme s’allongeait, s’amincissait, filait entre les doigts crispés, et il arriva un moment où Raoul n’eut plus rien à tenir. Tout s’était évanoui. Par quel miracle ? En quel refuge impénétrable ? Il écouta. Aucun bruit, sauf l’appel des deux jeunes femmes qui l’attendaient près de la barque, anxieuses et tremblantes.

Il les rejoignit.

« Personne, dit-il, sans avouer sa défaite.

— Mais vous l’avez vu ?

— J’avais cru le voir. Mais sous les arbres, parmi toutes ces ombres, peut-on affirmer ?… »

Il les ramena vivement au Manoir et courut dans le jardin.

Il était furieux, furieux contre l’homme et contre lui-même. Il fit le tour des murs, guettant certaines issues par où il savait qu’on pouvait s’enfuir. Tout à coup, il précipita sa course, du côté de la serre écroulée. Voilà qu’une silhouette remuait, comme agenouillée… deux silhouettes même.

Il se jeta sur elles. La seconde se sauva. Raoul empoigna, à bras le corps, le premier des deux êtres et roula dans les ronces avec lui en criant :

« Ah ! cette fois, tu y es ! tu y es ! »

Une voix faible se lamenta.

« Ah ! ça mais, qu’est-ce que tu as ? vas-tu me ficher la paix ? »

C’était la voix de Béchoux.

Raoul fut exaspéré.

« Crebleu de crebleu ! Tu ne peux pas être couché à cette heure-là ! Triple imbécile, avec qui étais-tu ? »

Mais, à son tour, Béchoux eut un accès de rage, et dressé contre Raoul, le secouant avec une force irrésistible, il mâchonnait :