Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

outre, vous le connaissez, et vous savez bien que ce n’est pas un esprit de tout premier plan. Je vous en supplie, remettez-vous, et tâchons d’éclaircir la situation. »

Mais Raoul ne tarda pas à voir qu’aucun effort ne pouvait éclaircir la situation en ce moment, et que la jeune fille, déjà très frappée par des événements qu’il ignorait, ne reprendrait pas son équilibre après l’annonce imprévue et maladroite de ce crime. Il fallait patienter jusqu’à ce que l’heure d’agir fût venue.

Il réfléchit quelques secondes et, résolument, prit son parti. Ayant arrangé vivement sa tête devant une glace, à l’aide de quelques mixtures qui changeaient plutôt son expression que son visage, il passa dans la pièce voisine, changea de vêtements, saisit dans un placard une valise toujours prête, sortit, et courut jusqu’à son garage.

Raoul revenait aussitôt avec son auto et remontait chez lui. La jeune fille, bien que réveillée, demeurait inerte, incapable de faire un mouvement. Sans opposer la moindre résistance, elle se laissa porter jusqu’à la voiture où il l’étendit aussi bien que possible.

Se penchant à son oreille, il chuchota :

« D’après la communication de Béchoux, vous demeurez aussi à Radicatel, n’est-ce pas ?

— Oui, à Radicatel.

— Nous y allons. »

Elle eut un geste d’effroi, et il la sentit qui tremblait des pieds à la tête. Mais il dit des mots d’apaisement, tout bas, d’une voix qui la berçait et qui la fit pleurer sans qu’elle pensât davantage à protester…

Trois heures suffirent à Raoul pour franchir les quelque quarante-cinq lieues qui séparent la capitale du village normand de Radicatel. Pas un mot ne fut échangé entre eux. La jeune fille, du reste,