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Il se soulève à ce propos une question intéressante, c’est de savoir si la domination en général est plutôt fondée sur les vices des hommes que sur leurs qualités. Chose étonnante, et cependant certaine, la domination est fondée sur ce qu’il y a de plus pur et de plus élevé dans l’âme humaine. Au premier abord on ne le croirait pas. Sans doute, les supériorités sociales vivent de la bêtise humaine. L’ignorance, l’incapacité, la faiblesse, le servilisme et la bassesse expliquent les gouvernements, les princes, les hommes d’État qui exploitent les peuples au profit de leurs ambitions ; mais on ne gouvernerait pas sans les beaux côtés de l’âme humaine, les politiques de quelque profondeur le savent bien. Il y a en effet chez les hommes des passions purement idéales, comme l’enthousiasme, l’amour de la gloire, le sentiment de la discipline, de l’obéissance, du dévouement et du devoir. On exploite mieux les hommes avec cela qu’avec leurs instincts les plus pervers. Voici par exemple des phénomènes sur lesquels on ne saurait trop méditer :

Deux États sont en guerre. Le jeu coûtera la vie à deux cent mille hommes au bas mot. Parmi ceux qui vont ainsi à la mort combien en est-il qui puissent se rendre compte des motifs de