Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

événements à de grandes causes. Un peuple qui n’aurait pas cette illusion serait ingouvernable, c’est donc là un de ces préjugés heureux qui servent de fondement aux sociétés ; mais il est tout simplement impossible et contre nature que le mérite personnel joue un rôle même secondaire dans les conflits de l’ambition ; ceux qui se l’imaginent envisagent la vie comme un concours dans lequel il y a des prix à distribuer. Mais qui ne voit que c’est la loi des sympathies et nullement celle des capacités qui fait que les hommes se prêtent ou se refusent leur appui.

Vous êtes un penseur, un philosophe profond, il y a en vous l’étoffe d’un homme d’État ; vous avez l’âme d’un héros, en quoi cela peut-il importer aux gens ? Pas une de ces facultés ne vous donnera un point de rattache avec eux. Il n’y a que la menue monnaie des qualités qui soit d’un commerce courant et d’une valeur appréciable.

Les hommes qui ont besoin des autres n’ont qu’un moyen de les faire servir à leur intérêt, c’est de leur plaire. Cela suffit pour expliquer sous toutes les latitudes et dans tous les temps le succès de la médiocrité.

DES DÉFAUTS QUI SONT DES QUALITÉS ET RÉCIPROQUEMENT.

Il y a naturellement un écart considérable entre les principes de la morale et les conclusions de la