Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

original de ce sentiment ; et cette peur, c’est là son beau côté, elle convertit les hommes, elle leur donne la foi, cette grâce intérieure d’une si grande efficacité. Il est vrai que la peur est un mystère aussi. Nous en avons un curieux exemple pendant la Révolution française. Certes, personne ne croira que la France ait voulu le régime de la Terreur ? Ne le voulait-elle pas ? rien n’était plus simple. Après les massacres de septembre, elle n’avait qu’à voter pour des hommes modérés, car quelle puissance humaine pourrait comman­der au libre arbitre individuel ? En 1793 toutes les élections sont révolutionnaires ; le pays envoie à la Convention les hommes les plus exaltés dont les sept douzièmes votent la mort de Louis XVI. Que l’on tire la conséquence.

Dans les premiers jours de la Restauration, autre étrangeté ; la majorité du pays est très évidemment voltairienne : on ne voit à la Chambre des députés que des gens d’Église. Le pays aime la liberté, on a la Chambre introu­vable. A chaque fois le vote n’est qu’un acte de soumis­sion envers le pouvoir triomphant. Ô publicistes ! dites-nous donc dès lors ce que c’est que l’opinion. Peur, tu convertis, tu fais croire aux institutions et aux hommes ! Évidemment la naïveté des gens de bien est excessive.

L’envie et la défiance sont encore des sentiments sur lesquels on peut faire de précieuses observations. Ces passions sont précisément le contraire de l’admiration et de l’enthousiasme. Elles existent au même