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a des hommes qui par une ineptie organique tourneront toujours le dos à la fortune.

La diversité des chances est infinie. Les unes viennent tôt, les autres tard ; tantôt elles opèrent lentement et successivement, tantôt elles agissent soudainement et directement sur la destinée. Il n’est peut-être pas d’exemple plus curieux de la pure influence du hasard que le fait historique suivant que nous avons noté comme un des types du genre :

Il y avait sous la Régence un certain Chavigny, intrigant obscur, qui avait fait des efforts inutiles pour se faufiler à la cour. N’ayant pu obtenir aucune faveur, de guerre lasse, il quitta la place et partit pour la Hollande, où l’appelaient des affaires de famille. En arrivant à La Haye il tomba malade et fut forcé de s’arrêter dans une auberge. Ceux qui ont voyagé dans ces pays savent qu’on y est servi par des chambrières qui ne sont pas autrement cruelles. Chavigny, soigné avec le plus grand dévouement par la fille de l’auberge, où le hasard avait voulu qu’il s’arrêtât, une fois guéri, s’avisa d’être... reconnaissant... On voit si l’aventure est vulgaire ; mais comment de là parvint-il à la fortune ? Le voici : un jour qu’il était avec la demoiselle dans une chambre de l’auberge il entendit la maîtresse de la maison qui se dirigeait vers cette chambre en appelant sa servante. Celle-ci n’eut que le temps d’en sortir et de fermer la porte de la chambre, qui était précisément celle que sa maîtresse lui ordonna de préparer pour deux