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― Faites vos jeux, messieurs, rien ne va plus ! dit Barbaro de sa voix rauque.

― Ne m’appelez donc pas vicomte ici, mon cher, dit Hector d’Havrecourt (car c’était lui-même), autrement on me prendrait pour un grec.

― Mon cher, je viens de les flouer d’une façon admirable, dit à l’oreille de d’Havrecourt le marquis qui venait de quitter la table, portant son trésor dans son mouchoir, et avait aperçu le vicomte qui était un de ses anciens camarades de collège.

Or, il faut savoir ce que le marquis entendait par flouer. Il prétendait reconnaître les grecs à leur physionomie et, sans jouer personnellement, il pariait pour ceux qu’il présumait tels d’après l’expérience qu’il disait avoir des figures. Mais comme il perdait beaucoup plus souvent qu’il ne gagnait, on ne pouvait rien inférer du tout de ses connaissances physionomiques en cette matière.

Il est vrai que, quand il avait gagné en tenant les cartes, il se vantait auprès de ses amis intimes d’avoir triché, mais comme il ne savait même pas tenir des cartes, et que personne n’avait jamais suspecté sa loyauté, on ne pouvait que rire de cette forfanterie ; mais il la soutenait de pied ferme, ne manquant jamais d’ajouter que c’était du meilleur ton autrefois, et qu’il avait le droit de le faire pour venger ses aïeux des outrages faits à leur blason par la révolution bourgeoise de 1830.

Quoi qu’il en soit, le marquis avait gagné ce soir-là ; il était rayonnant et il éclatait de rire à chaque mot.

― Je les ai floués de la plus jolie façon, répétait-il. Il y avait là un vieux filou décoré dans lequel j’ai re-