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Dans l’ancienne société française, si fortement constituée sur la base de l’autorité politique et religieuse, la vie matérielle des individus ne dépendait pas, comme aujourd’hui, du hasard.

Chacun vivait de son état et dans son état : la noblesse vivait de l’épée, le clergé de l’autel, la bourgeoisie de l’industrie et du commerce, l’agriculteur restait aux champs, l’ouvrier des villes vivait, naissait et mourait au sein de sa corporation, adopté, soutenu, instruit, surveillé par elle jusqu’à ce qu’il pût s’élever par son travail à la bourgeoisie du corps et métier dont il relevait.

Les chefs de corporations eux-mêmes, quoique enrichis, ne cessaient pas d’appartenir à leur état et restaient peuple par les liens de solidarité qui les rattachaient aux artisans. L’individu enfin n’était pas isolé, et il trouvait dans le groupe auquel il appartenait les moyens d’éducation professionnelle qui lui étaient nécessaires[1].

Dès que la Révolution eut brisé les privilèges de

  1. Le résumé de cette situation n’implique dans la pensée de celui qui écrit ces lignes, aucun éloge ni aucun blâme ; il n’est qu’une constatation de fait en présence de l’état social actuel.