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― Cher ami, lui dit Georges touché jusqu’aux larmes de l’élan de cœur avec lequel Karl le mettait de moitié dans le partage de cette fortune problématique, tu es bon comme un enfant. Mais, dis-moi, as-tu quelques papiers de famille ?

― Un extrait de naissance, un certificat de libération du service militaire, quelques papiers de collège, des prix de classe, voilà toutes mes archives ; si cela peut te servir à quelque chose, je te l’apporterai. Et maintenant, si tu es libre, nous irons faire un tour au Luxembourg et tu viendras ce soir à la pension.

Au mot de pension, Georges Raymond fit la grimace.

On sait déjà que c’était le seul sujet de dissentiment entre les deux jeunes gens. Jeté par le hasard dans un coin obscur du quartier Latin avec des jeunes gens de son âge, dont les idées avaient déteint sur lui, on se rappelle qu’Elmerich avait embrassé les doctrines de l’école humanitaire avec tous les entraînements d’une nature généreuse et confiante.

― Georges, tu as tort de ne pas mieux aimer nos camarades. Ne sommes-nous pas comme eux, ne sont-ils pas comme nous des déshérités ? N’avons-nous pas les mêmes besoins et les marnes souffrances ? Pourquoi les fuir ?

― Eh bien, allons au Luxembourg et ce soir à la popotte, dit gaiement Georges Raymond. Mais avant laisse-moi plaider mon affaire.

Et Georges rentra à la 5e chambre où, électrisé par la présence de Karl qui était devenu son client, il plaida fort bien son affaire. Karl lui en fit son compliment et Georges eut la satisfaction de voir Me Léon Duval, qui plaidait comme un simple mortel à la 5e chambre, ce jour-là, se pencher à l’oreille d’un de ses confrères en