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la succession à laquelle je pouvais prétendre, il y avait une très grande urgence à prendre des mesures, qu’il fallait qu’il se mît immédiatement en campagne, que la prescription, je ne sais pas trop ce que c’est, pouvait être acquise contre moi, etc. Bref, il m’a prié de signer un papier qu’il m’a lu.

― Et tu as signé ?

― J’ai peut-être mal fait, je n’en sais rien. Cet homme paraissait me porter tant d’intérêt, il avait l’air si bonhomme et il me faisait si bien comprendre les périls d’un retard quelconque que…

― Diable ! c’est grave ; tu pourrais fort bien avoir eu à faire à un aigrefin ; mais enfin qu’as-tu signé ?

― J’ai lu sur le papier pouvoir, procuration, avec des termes que je n’ai pas trop compris. Ah ! j’oubliais, il m’a recommandé expressément de ne parler à personne au monde, et pour les motifs les plus graves, de la révélation qu’il était venu me faire.

― Mais, monsieur, lui ai-je dit, je ne peux pas prendre un engagement comme celui-là. J’en parlerai certainement à mon ami Georges Raymond.

L’inconnu parut vivement contrarié.

― Et qu’est-ce que M. Georges Raymond ? me dit-il.

― Un jeune avocat.

― Un jeune avocat ? Eh bien, je le verrai, mon ami. Annoncez-lui ma visite.

― Et comment s’appelle cet homme ? demanda Georges Raymond.

― Ma foi, je l’ai oublié ; pourtant je l’ai lu sur le papier qu’il m’a fait signer. Attends… Doublau !… Doulent… Doublevent… J’y suis ! c’est Doubledent.

― Dieu ! quel nom ! s’écria Georges Raymond. Et à quel chiffre se monterait cette succession ?