Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.

simple ; il avait trouvé Lecardonnel, que nous avons déjà vu à la pension du père Lamoureux.

Lecardonnel, ancien avoué à Amiens, destitué pour faits de charge, faisait à la fois plusieurs choses ; il était courtier d’assurances et, pour se créer des relations, il avait établi, rue Dauphine, une agence qui tenait le milieu entre un bureau de renseignements, un bureau de placements et un cabinet d’affaires.

Grâce à une quantité de relations intimes, nouées çà et là, il était parvenu à créer une clientèle… un peu mêlée à Oudaille, tout en faisant son propre cabinet.

― On appelle votre affaire, dit tout à coup un vieil avocat à Georges Raymond qui écoutait le colloque de ses confrères plus qu’il n’y prenait part. Rappelé à ses devoirs professionnels, Georges entra précipitamment à la 5e chambre, le cœur en proie à l’émotion que les plus vieux praticiens ne parviennent pas toujours à dominer quand il faut prendre inopinément la parole.

― Plaiderai-je bien, plaiderai-je mal ? se disait-il en feuilletant à la hâte son dossier ; mais on avait appelé une autre affaire et déjà un autre avocat, debout à la barre, exposait son procès avec cette rapidité vertigineuse et lucide, cette sûreté de méthode et d’expression qui ne se rencontre qu’au barreau de Paris.

Georges Raymond en l’écoutant enviait cette facilité, cet aplomb avec lequel les avocats, jeunes ou vieux, savent tous, plus ou moins, dévider leur peloton, ne réfléchissant pas qu’il avait, lui aussi, cette même facilité dès qu’il était dans son état normal.

Il s’assit ; toutes le pensées qui l’agitaient passaient confusément dans son esprit, la céleste vision de Notre-Dame, la mort de son père suicidé ou peut-être