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― Tu réfléchiras, aimable Grandisson, dit Hector d’Havrecourt en dissimulant son dépit par un ton de légèreté affecté. Il faut que j’aille de ce pas chez le comte de B*** qui m’attend à onze heures. Il devait partir cette semaine à Bruxelles pour une affaire grave, et, vu son état de santé, c’est une mission qui me reviendra, je l’espère. Nous conspirons contre l’empire, dit-il à voix basse à Georges Raymond, qui resta pensif.

Fais donc comme moi, imbécile, prends la vie gaiement. Je ne suis pas sur des roses non plus, mais je ne me laisserai pas acculer comme toi par la famine. Aimer, conspirer, gagner de l’argent, voilà la vie. Ah ! sapristi ! à propos d’argent, je ne sais pas si j’en aurai assez pour payer l’addition, s’écria Hector en consultant le fond de son gousset.

― Le ciel soit loué ! j’ai ma montre, dit Georges presque heureux d’être associé à un moment de détresse de son ami.

― Allons donc ! tu vas voir comment ça se joue ici quand on est gentilhomme ; et, ouvrant la porte, il appela à haute voix : Charles !

― Voilà, monsieur.

― Dites à Vincent (c’était le gérant de la Maison-d’Or) de me monter cinq louis ; je n’ai pas pris sur moi assez d’argent, et faites avancer ma voiture.