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celui qui fait le mal. Si tu n’es pas méchant, tu périras. Je suis un homme d’opinion dynastique, et je fusillerais sans pitié les révolutionnaires ; mais, si j’étais un révolté comme toi, je ne serais pas agneau, je serais loup. Pourquoi, avec cette éloquence sauvage que tu déploies quand tu veux, ne t’es-tu pas jeté dans la politique ?

― Et avec qui ? contre qui ? Je ne suis rattaché à rien. Marcherai-je sous les étendards de Soulès, ou serai-je le soldat d’Oudaille, des bohêmes que tu ne connais pas ? Je veux bien servir, mais qu’on me montre des hommes.

― Fais tes preuves et entre dans notre parti, je te l’ai déjà conseillé.

― Mon cher Hector, dit Georges, mon père était républicain. Il est mort victime de ses convictions, je serai ce qu’il a été.

― Tu ne vas pas dire longtemps des bêtises comme ça. Il n’y a pas d’opinion, il n’y a que des intérêts, ou du moins il faut savoir mettre ses opinions d’accord avec ses intérêts, ajouta-t-il. Moi aussi, je suis né honnête, mais je sais faire ce que la nécessité commande. L’occasion de fortune que tu cherchais inutilement, depuis plusieurs années, se présente peut-être pour toi aujourd’hui, si tu veux me seconder dans l’affaire dont je t’ai parlé. Je ne puis en conférer avec personne, et j’ai besoin des éclaircissements positifs d’un homme de loi pour conclure.

― Tu as donc accepté ce marché ? ne put s’empêcher de dire Georges Raymond avec un sentiment de répulsion mal contenu.

― Eh bien ! oui ; après ?

Georges garda le silence.