Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.


VIII

LE CRI D’UN DÉCLASSÉ.


― Et maintenant, parlons de toi, de tes projets, de ton avenir, dit Hector.

― Oh ! moi, fit Georges Raymond, je n’ai pas d’avenir ; et le jeune avocat, revenant avec expansion sur quelques particularités de sa vie, raconta à Hector ses luttes, ses misères, ses déboires, trois années passées au Palais sans clientèle, sans argent, vivant au jour le jour de quelques misérables affaires mal payées, attendant toujours quelque moyen de se produire, quelque occasion favorable, quelque procès important qui ne venait jamais, enfermé dans un cercle de fer qu’il ne pouvait franchir, condamné à vivre dans un milieu qui n’était pas le sien, promenant ses facultés dans le vide, employant à détruire son âme par la souffrance les forces qu’il croyait posséder et que parfois il sentait palpiter en lui.

― Ah ! ça, tu es une énigme pour moi, lui dit Hector ; tu n’as réussi ni dans le journalisme ni au barreau ; pourquoi cela ?

Georges Raymond saisit le bras d’Hector.

― Tu ne connais pas le journalisme, les gens de let-