Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.

doute, il savait son nom et ne voulait pas le dire par un reste de prudence ; que, très probablement, il avait touché l’argent impur qu’on était venu lui offrir ; qu’enfin, après avoir accepté ce honteux marché, il cherchait le moyen de tromper son complice.

Georges allait parler, il allait interroger Hector, il allait lui dire ce qu’il pensait de ce trafic matrimonial, mais une pensée rapide traversa son esprit. Il se rappela combien de fois il lui était arrivé de se créer des embarras par un excès de franchise. Il se souvint de toutes les mésaventures qui lui étaient arrivées en suivant l’impulsion du premier mouvement.

Ensuite, il se demanda si Hector était réellement coupable ; si en le soupçonnant d’avoir conclu ce marché, il ne lui faisait pas, dans le fond de son cœur, un outrage gratuit et immérité. N’était-ce pas, en effet, pour défendre les intérêts d’une famille menacée d’une odieuse spéculation qu’Hector avait consenti à entrer en rapport avec cet agent matrimonial ? N’était-ce pas son droit, son devoir même ?

Voilà de quelle façon Georges Raymond plaidait instinctivement les circonstances atténuantes en faveur du vicomte, et quand, d’un geste, Hector eut congédié le garçon, Georges fut en mesure de répondre avec assez de sang-froid pour ne pas se trahir :

― Mon cher Hector, tu sais que je te suis tout dévoué ; je tâcherai, si je le puis, de te donner un bon conseil.