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― Non, fit Hector avec une légère hésitation qui n’échappa point à Georges. Il m’a dit qu’il reviendrait dans une quinzaine de jours chercher une réponse définitive.

― Et tu le recevras ?

― Pourquoi pas ? Est-ce que tu me crois assez bête pour avoir plus de vertu que mon siècle, et si, sans commettre aucune infamie, bien entendu, on peut se servir de ce coquin, ne fût-ce que pour lui arracher un secret qui menace une famille honorable, tu ne veux pas qu’on le fasse ?

― Ah ! ceci c’est autre chose, dit Georges Raymond en suivant Hector dans le nouvel ordre d’idées où il l’attirait avec son adresse ordinaire.

― Il faut absolument que je feigne d’entrer dans les vues de ce drôle, qu’au besoin tu me secondes. Je suis en présence d’un aigrefin de première force, et je ne connais pas assez la loi pour m’engager sans conseil sur le terrain où il veut m’attirer. À trompeur trompeur et demi ; ce serait plaisir que de rouler un pareil coquin. Je voudrais savoir, pour le cas où je serais forcé d’en passer par ses fourches caudines, jusqu’à quel point l’acte serait valable, et comment je pourrais le prendre dans ses propres filets tout en paraissant y tomber.

Si le garçon de restaurant ne fût pas entré à ce moment dans le cabinet, Hector n’eût pas manqué d’apercevoir l’impression qu’il venait de produire sur Georges Raymond.

Avec l’instinct précoce que développe la pratique des affaires, avec une pénétration qui n’excluait pas chez lui l’extrême confiance, il avait deviné que déjà Hector s’était lié avec ce honteux personnage ; que, sans