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― Vous êtes un insolent ! répondit Georges qui trébuchait encore du choc qu’il avait reçu et qui était furieux de se sentir ridicule devant une femme.

Là-dessus, échange de cartes ; on va sur le terrain ; l’arme choisie est le pistolet, et pendant qu’Hector s’apprête à tirer le premier, comme l’offensé, Georges, se présentant de face, croise tranquillement les bras sur la poitrine.

― Gare, donc ! vous allez vous faire tuer comme un poulet, lui crie Hector qui était de première force au pistolet.

― Qu’est-ce que cela vous fait, si cela me convient ? répond Georges qui était dans un de ses jours de désespoir et voulait en finir avec la vie.

Au mot, à l’accent de sincérité indicible qu’il exprimait, les témoins se récrient, interviennent, et l’affaire s’arrange sur le terrain par des explications réciproques, à la suite desquelles Georges devint l’ami du vicomte.

Cette liaison, qui n’eût jamais été possible sans cette aventure, se fortifia presque immédiatement par un jeu d’amour-propre qui n’est pas sans exemple dans les rapprochements du même genre. Georges, singulièrement flatté d’avoir fait la connaissance d’un jeune homme aussi brillant, laissa vite apercevoir la séduction qu’exerçaient sur lui l’élégance, les façons et le savoir-faire du vicomte qui, enchanté d’avoir trouvé dans Georges un admirateur, un complaisant, presqu’un élève, se plaisait à étaler devant lui ses grâces et à guider son inexpérience.

Comme on le voit, Hector d’Havrecourt était pour Georges Raymond ce que Georges Raymond était pour Elmerich, un type sur lequel il essayait de se modeler.

Mais tandis que Georges se livrait entièrement à