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depuis deux ans dans la tête des motifs de musique dont il voulait faire un opéra, s’était attaché à Léon Gaupin, qui lui avait promis un livret. De là une collaboration pleine d’enthousiasme de part et d’autre.

Mais Gaupin n’était pas un esprit sérieux et réfléchi comme Karl ; il passait la moitié de son temps à raconter des sujets de pièce qu’il n’écrivait pas, et il faisait en outre de la politique à outrance sous les ordres de Soulès, dont il était un des plus chauds partisans.

Au contact de son ami, Karl Elmerich avait fini par faire de la politique à son tour ; mais ses idées avaient pris le tour de son imagination et de son âme. Il était devenu sectaire par amour de l’humanité, par une croyance sérieuse et sincère dans des doctrines auxquelles il mêlait une sorte d’exaltation religieuse qui prêtait quelquefois aux plaisanteries de ses compagnons. Soulès, qui ne pouvait sentir Georges, avait vainement essayé de le brouiller avec Karl, en exploitant contre le jeune avocat la différence de leurs convictions politiques.

Mais Karl, malgré le regret qu’il éprouvait de voir Georges Raymond aussi froid pour les théories humanitaires, n’avait jamais osé le lui reprocher, et, de son côté, jamais Georges Raymond n’avait froissé les convictions de son jeune ami.