Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le charme de sa voix, la facilité extraordinaire avec laquelle il apprenait à jouer de tous les instruments, en avaient fait une sorte d’enfant prodige. À dix ans, il jouait de l’orgue et improvisait de petites compositions musicales qui faisaient l’étonnement de ses professeurs.

Quelques personnes influentes s’étaient intéressées à lui ; on l’avait fait jouer et chanter dans quelques salons, et il est possible que si Karl avait eu la prudence de rester dans sa ville natale et d’y attendre les événements, ceux qui s’étaient intéressés à son sort auraient fait quelque chose pour lui.

Mais, à peine eut-il achevé ses études, que, comme Georges, il se sentit mordu au cœur par la tentation de venir à Paris. L’indépendance un peu sauvage de son caractère, sous des formes d’une douceur infinie ; le désir de se faire un nom, d’étudier la musique près des grands maîtres, l’amour de son art porté jusqu’à la passion, le poussèrent à s’affranchir de ses protecteurs qui voulaient le retenir à Valenciennes.

Comme Georges Raymond, il devait bientôt éprouver que l’on ne peut rien sans appui, et que le meilleur moyen d’arriver n’est pas toujours de courir après la fortune. Il se débattait depuis un an contre la misère en donnant des leçons de musique à deux francs le cachet, lorsqu’un jour il tomba dans la pension du père Lamoureux, en vertu de la loi d’attraction qui groupe à Paris, dans des centres communs, les existences déclassées.

Il se lia intimement avec Georges Raymond et avec Léon Gaupin, jeune homme très remuant, qui travaillait pour le théâtre, mais dont toutes les pièces avaient été refusées jusqu’à ce jour. Karl Elmerich, qui avait